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Nouveau projet de réforme fiscale : Nouvelle couche ou réforme en profondeur ?

Un vaste projet de réforme fiscale ne se conçoit pas du jour au lendemain. Le ministre des Finances Vincent Van Peteghem ne veut définir de nouvelles lignes directrices qu’à l’issue d’un large dialogue politique et social. De plus, afin de donner à chacun une sécurité juridique et un temps de préparation suffisants, la mise en œuvre finale se fera par étapes. Il promet de ne pas verser dans l’approximation ou les discussions médiatiques, mais d’élaborer un plan d’avenir pour la fiscalité solidement étayé. Il semble tenir parole. Ainsi, il a récemment écouté le point de vue des employeurs lors d’un Comité stratégique de la FEB. J’apprécie sa stratégie, car pour une réforme de cette ampleur et ayant un tel impact à long terme, il vaut mieux ne pas agir dans la précipitation.

RÉDUIRE LE COUT SALARIAL… 

D’ailleurs, ce projet n’arrive pas trop tôt. Il est grand temps que la Belgique réduise le coin fiscal (la différence entre le coût salarial pour l’employeur et le salaire net pour le travailleur) et élimine la progressivité trop forte de l’impôt sur le revenu des personnes physiques. La Belgique est le seul pays au monde avec un écart salarial de un sur trois. Cela signifie que pour la classe moyenne, chaque augmentation du salaire brut ne rapporte en net qu’un tiers des coûts salariaux. Le reste va à l’État ou à la sécurité sociale. Le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est frustrant. Pour le travailleur, pour qui il ne reste pas grand-chose de l’augmentation salariale dans son portefeuille. Et pour l’employeur, qui souhaite accorder une augmentation à ses collaborateurs, mais qui est impuissant face à l’écrémage de plus de la moitié de celle-ci. En d’autres termes, il faut réduire l’énorme coin salarial. 

… ET ATTÉNUER LA PROGRESSIVITÉ

Et, à l’instar de nos pays voisins, il convient d’opter pour une progressivité moins forte de l’impôt sur le revenu des personnes physiques. Le graphique ci-dessous est éloquent. Aujourd’hui, les revenus belges les plus faibles sont taxés nettement plus (taux marginal de 25 %) qu’aux Pays-Bas, en Allemagne, en France et au Grand-Duché de Luxembourg (12 % en moyenne pour ces quatre pays). Et ce taux augmente rapidement pour atteindre 50 % pour les revenus supérieurs à 41.060 EUR (la moyenne de nos pays voisins est de 45 %). Ajoutez à cela les impôts locaux et régionaux et vous comprendrez pourquoi notre pays figure depuis des années dans le trio de tête du classement mondial de la pression fiscale. 

Taux marginaux les plus élevés par classe de revenus en 2020 : Belgique et pays voisins

Source : estimations propres sur la base des descriptions des politiques fiscales de l’OCDE

ÉPARGNER LA CLASSE MOYENNE…

On ne peut nier que le système fiscal belge repose sur des taux relativement élevés, pour ensuite déployer toutes sortes de systèmes d’exceptions et de réductions. Pour protéger le pouvoir d’achat des revenus les plus bas, par exemple ; et ce à juste titre. Cependant, d’autres groupes de revenus ne peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt similaire. Ainsi, les revenus les plus faibles (40 à 60 % du revenu moyen) ont vu leur revenu disponible augmenter le plus en vingt ans, alors que les revenus situés autour et au-dessus du revenu moyen n’ont augmenté que légèrement, voire pas du tout. Globalement, ce sont donc les revenus moyens qui doivent proportionnellement soutenir la plus grande charge fiscale. La conclusion saute aux yeux : il faut élargir les tranches d’imposition et baisser les taux (notamment ceux de 40 et 50 %) en faveur des revenus moyens, mais sans augmenter l’imposition du travail pour les autres tranches de revenus. 

… ET SIMPLIFIER LE SYSTÈME

Quoi qu’il en soit, notre système fiscal reste extrêmement compliqué. Dans un communiqué de presse, le ministre explique cette complexité par des ajustements partiels successifs, une déduction par-ci, une taxe supplémentaire par-là. Malgré de nombreuses bonnes intentions, la situation est toujours kafkaïenne et les citoyens ont du mal à s’y retrouver dans leur déclaration d’impôts sans l’aide d’un expert. La réforme doit simplifier et moderniser le système. Il faut mettre un terme à la fameuse ‘coterie’ de la fiscalité belge. Mais il faut y aller avec précaution, afin de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. En d’autres termes, il faut se débarrasser de ce qui inutile, redresser ce qui dysfonctionne et conserver ce qui est bon. En effet, une politique RH performante passe aussi par des outils RH efficaces ! 

« LA PROGRESSIVITÉ TROP FORTE DE L’IMPÔT SUR LE REVENU DES PERSONNES PHYSIQUES ÉTOUFFE LE TRAVAILLEUR ET L’EMPLOYEUR »

FAIRE CE QUI DOIT ÊTRE FAIT

Une réforme en profondeur et une simplification sont l’ambition et le but ultime. Elles sont d’ailleurs bien nécessaires pour donner de l’oxygène aux ménages et aux entrepreneurs pour les décennies à venir. C’est pourquoi le projet de réforme doit avant tout viser à réduire la charge sur le travail. C’est non seulement nécessaire, mais aussi socialement responsable. En effet, le but ne peut être de compenser des taux d’imposition plus bas sur le revenu des personnes physiques par des taux d’imposition nouveaux ou plus élevés sur les sociétés et de faire supporter ainsi la facture aux entreprises.

Les rencontres de dialogue social du ministre Van Peteghem sont le moment idéal pour le monde des entreprises pour faire entendre sa voix et clarifier ses positions. Afin de recueillir toutes les idées, suggestions et préoccupations des entreprises, la FEB organise une journée d’étude nationale le vendredi 3 décembre 2021. Nous y analyserons en détail la fiscalité du travail ainsi que la fiscalité du patrimoine et de la consommation. Plus il y aura d’entreprises participantes, plus nous aurons de poids et plus il y aura de chances que la réforme fiscale fasse ce qu’elle est censée faire : réformer !

Source

Auteur: PIETER TIMMERMANS, administrateur délégué FEB